renaissance - Electre

Il y avait une notion intéressante à l’armée. Notion qu’il avait été obligé d’avaler des années, notion qu’il avait même dû transmettre quelques fois. La même notion qui l’avait poussé à se jeter d’avions en périls plusieurs fois, vivre ses journées sans être certains de pouvoir les terminer, sans être certain de sa propre survie et surtout, en mettant sa vie entière entre les mains de quelqu’un d’autre. Des têtes pensantes qui ne pensaient sans doute pas à lui, seulement à ce que ses actions allaient leur rapporter. Il avait été bras armé d’un organisme encore plus violent que les plus violentes mafias. Parce qu’il était légal, légal et admiré. Parce que sa place dans la société justifiait toutes les atrocités commises. Combien de litres de sang coulaient sur ses mains ? Assez pour que les conséquences de ses actions viennent lui pourrir la vie. Assez pour qu’il soit rongé par les remords, par la culpabilité, assez pour qu’il se haïsse. Assez pour que « Becker », ancien soldat, ancien bourreau, soit totalement dissocié d’Ashley. Du moins qu’il tente, jour après jour, de se réinventer. Ne pas oublier. Faire avec. Refaire mais refaire mieux.

Il y avait une notion intéressante à l’armée. Celle d’avaler les ordres même les plus atroces. Même ceux qui lui glaçaient les os. Parce qu’avec le temps, il avait été contraint de ne plus y être sensible. Ne plus rien dire. Hocher la tête. Exécuter. Tout le temps.

La peur qu’il ressentait ce soir était totalement différente. Debout, dépassant de son miroir d’une bonne dizaine de centimètres. Lui qui n’avait jamais eu à faire attention à son apparence, lui qui s’était retrouvé souvent dans des états déplorables, couvert de boue, de sang, de poussière, de neige, de tout, frottait les pans de sa veste depuis une bonne minute, tentant de changer des imperfections qui ne changeaient pas et qu’il était le seul à voir.

Sensation étrange de ne pas avoir à être discret et pourtant de vouloir à tout prix l’être. De pouvoir se balader en plein jour et de vouloir que personne ne le remarque. Mains moites, peau secouée de frissons quand ses pieds foulèrent le sable frais de la plage, les yeux fixés sur la lumière encore aveuglante du soleil couchant. Dans quelques minutes, elle allait arriver. Et à cette simple information sillonnant ses neurones, c’est son cerveau entier qui disjonctait. A redouter un moment qu’il attendait pourtant impatiemment. La revoir.