Miracle ;; Eden

Il était enfin revenu.

Étrange impression, faite de vide qui gangrène l'estomac ; comme des éclats qui déchirent les organes, qui donne à ce retour une sensation de malaise et de douleurs ; sans doute la faute à l'affluence des souvenirs, revenus alors en masse au fur et à mesure que les contours de l'île se dessinaient, qu'il pouvait retrouver du regard les coins où ils jouaient tous, enfants. Peut-être est-ce aussi sa mémoire d'homme qui l'écorche, qui souhaite rejeter tout ça ; parce qu'il avait dû se construire sur du vide et que soudain, soudain, l'amour lui revient dans la tronche et qu'il y a ce souvenir des étiquettes qui grattent dans sa nuque, que sa mère lui interdisait de retirer (sait-on jamais qu'il perdait son manteau !) et c'est venu jusqu'à gratter ses yeux, pendant la traversée de l'océan.

Brambles était là, toujours ; mais plus Marius.
Joyeux avait disparu, englouti par les flots et les côtes étrangères.

L'Amiral derrière lui, à faire ses noeuds pour éviter au navire de partir à la dérive, semble avoir perçu cette hésitation ; de sa voix, lui a dit bon retour à la maison, comme s'il se souvenait du gamin qu'il avait amené dix-huit ans plus tôt. Marius l'avait regardé et soufflé un "merci" qu'il aurait juré être vide de sens ; mais parce que l'Amiral n'avait pas changé d'un iota, le "nouvel" arrivant avait l'impression que c'était l'île elle-même qui lui avait ouvert les bras. Alors, après ça, il s'était emparé de son sac pour le remettre correctement sur son épaule et avait avancé.

Sans trop savoir où aller ; peut-être vers chez sa mère, en premier ?
Mais une crainte profonde l'en empêche ; dix-huit ans, c'est long.

Alors, après un bref regard sur les commerces, il lui semble qu'il y aura quelque chose de sûr, ici-bas ; parce qu'Atchoum avait toujours été profondément ancré dans la boulangerie de son père, parce que s'il ne l'avait pas reprise... Non, chose impossible ; et les premiers pas de Marius se sont alors dirigés vers celle-ci ; à rentrer et faire sonner la petite clochette qui sonne l'arrivée d'une nouvelle personne...

Une d'avec un sac même pas si rempli que ça, en comparaison du temps où il était parti. "Excusez-moi... Est-ce qu'Eden est là ?" Qu'il demande à ce qu'il devine être un de ces frères ; qui doit pas se souvenir de lui, et c'est normal ; alors après un bref regard sur lui, on part chercher le fameux Eden.

Le temps a semblé long ; Marius ne mesure juste pas à quel point.

Mais quand il revient le visage, grandi, de l'ami d'autrefois... La douleur qui hurle dans sa tête depuis le retour sur l'île semble s'apaiser un peu ; et même si ce n'est qu'un sourire timide qui s'invite sur le visage de Marius, il reste que c'en est un ; sincère ; et Marius avait oublié depuis longtemps ce qu'il en était, de sourire ainsi. "Salut, Ed..." Ne sait pas bien s'il peut user de ce surnom qu'ils avaient chacun à l'époque ; pourrait lui demander s'il a toujours toutes ses allergies ou si avec l'âge, ça va mieux ; pourrait lui demander tant de choses, à vrai dire.

Mais il se sent muet, soudainement ; je suis enfin de retour.