les échos de pluie

@simon
tw; dureté des mots, coeurs brisés

elle attrape les habits sans les regarder rose-mary, elle se contente de les fourrer dans son grand sac à dos. dehors il pleut à grosses gouttes et l'orage gronde comme faisait parfois la voix de simon lorsqu'elle était petite et qu'elle montait déjà sur le toit. mais cet orage là est différent et le vent est violent. elle s'en moque rose-mary, elle étouffe ici, entre les murs de cette maison qu'elle aimait tant il y a encore quelques heures. maintenant c'est devenu si différent, comme si les souvenirs étaient teintés d'un voile flou. à côté d'elle madame porcelaine mâche une vieille écharpe. avec ce temps elle n'avait pas le coeur de laisser sa petite brebis dehors. là où elle va -chez marie mei- elle ne peut pas mener madame porcelaine mais elle espère que simon prendra soin d'elle. après tout les brebis peut-être qu'elles s'en fichent si on cache des vérités importantes. mais rose-mary elle ne s'en fiche pas.

parce qu'elle a vu simon hier soir au coin de la rue et elle a revu l'orage qui grondait dans sa voix. elle a vu les yeux perdu d'une femme qui avait tout d'une inconnue pour elle et pourtant elle semblait familière à travers simon. elle n'aurait peut-être pas du rose-mary, non, elle n'aurait peut-être pas du fouiller dans la chambre de simon pour avoir des réponses. et puis tant pis, après tout, c'est lui le menteur le cracheur de mensonge et le donateur de faux amour. le faux père devenu vrai qui finalement est encore faux. elle a les larmes aux yeux enfile le sac à dos. c'est étrange comme son regard se pose sur le coin du mur où simon prend sa mesure depuis ses cinq ans, depuis qu'il est son père. c'est étrange de se dire qu'elle a grandi ici, avec lui en l'aimant de tout son coeur alors qu'elle ne le connait pas vraiment. pourquoi les pères de sa vie sont comme ça ? l'écho lui a offert les ricochets bariolés mais elle aurait préféré un père un vrai.
- au revoir madame porcelaine, oh s'il te plait ne m'en veut pas de partir! je reviendrais lorsqu'avec marie-mei nous aurons assez d'argent pour nous construire notre paradis, et tu en feras partie.
bien sûr que c'est idiot de partir alors que hier matin le mot d'alerte de l'amiral concernant la tempête était dans ses mains. mais la vraie tornade est actuellement dans les sentiments de rose-mary et elle ne peut pas rester une minute de plus ici! alors elle part -du moins elle commence à partir, traverse le couloir et termine dans la cuisine au moment où simon entre par la petite porte de cette cuisine, les bottes boueuses et le ciré trempé. il a ce visage doux simon, comme toujours quand il pose ses yeux sur elle. mais maintenant elle ne se fait plus avoir rose-mary, elle sait que la douceur cache les pires mensonges. bien sûr qu'il voit le sac à dos qu'elle porte, bien sûr qu'il va lui dire de ne pas sortir par ce temps.
- non, n'ouvre pas la bouche, je ne veux rien entendre de toi. aucun mot, aucun son de ta part!

@rose-mary

il a fini de monter la petite pente qui mène au bois d'amour à pied, son vélo glissant trop sur la boue charriée par la pluie des altostratus passés de gris à noirs. il pense à eloise, cherche à effacer son souvenir comme il a toujours su si bien le faire, alors il pense à rose-mary qui l'attend, et sous son ciré, au panier de champignons ramenés du continent, qui poussent à l'ombre lui avait raconté l'amiral. pour ce soir. parce qu'il pleut, et comme il pleut, ils s'étaient promis de regarder ce soir leur film préféré, la belle et la bête d'un cocteau dont il avait entendu parler un soir à paris, où il pleuvait aussi sûrement, c'est pour ça qu'il l'avait suggéré la première fois. rose-mary en avait peur, et elle avait peur de la bête aussi, mais simon lui avait dit que les vrais monstres se cachent ailleurs (si elle avait su, alors, que l'un d'eux la tenait dans ses bras). depuis, ils le regardent à chaque fois qu'un orage passe. il a presque oublié eloise quand, sourit déjà, il passe la porte de la cuisine en imaginant leur maison se transformer en une extension de ce château en noir et blanc qu'ils ont mille fois prétendu être leur.

— ro-

— non, n'ouvre pas la bouche, je ne veux rien entendre de toi. aucun mot, aucun son de ta part!

et quand elle lui assène ces paroles, il comprend. elle sait. il le voit bien : dans ses yeux, quelque chose a changé, et au sol, la boîte éventrée de ses souvenirs, les lettres d'eloise répandues sur le sol, le ruban désépinglé, qui gît là pathétiquement, qu'est aussi idiot que lui, peut-être même plus. trophée de ses larmes, de ses vingt ans, d'après-midi dont il se souvient même plus, qu'il a enfoui quand la main de rose-mary s'est retrouvée dans la sienne. sur la table, leur photo de famille (avec madame porcelaine) sortie du cadre, cornée comme elle l'a jamais été (ils en ont toujours pris soin), pour ma fille il y a écrit au dos. il l'avait développée lui-même, rose-mary perchée sur ses genoux ; la toute première photo de leur grenier-chambre noire. un autre passé défile devant ses yeux, le décor est le même : leur maison, cette cuisine aux volets verts mais il pleut dans ses mémoires comme il pleut dans leur jardin.

— écoute,

mais y a rien à dire,
rien qui puisse réparer,
oui,
réparer ce qu'il a fait.

car ô ! combien de fois il a souhaité, prié même que personne ne sache à quel point il a aimé eloise avant d'aimer dieu, avant d'aimer sa fille, à quel point il l'attendait toujours, la désirait encore. combien de fois il a espéré que jamais personne ne sache, car si personne ne savait, cela n'aurait détruit que lui, et il ne serait pas là, à se voir arracher la dernière fleur qui avait poussé sur son cœur, l'avait solidifié de ses racines. mais la boîte qui contenait toutes les preuves de son péché était posée au-dessus de son armoire, même pas cachée, là où des années plus tôt rose-mary n'aurait pu l'atteindre, mais le temps a passé, et rose-mary qui n'a plus besoin de lui pour atteindre les plus hautes mûres de leur roncier n'a peut-être même plus besoin de lui tout court,

n'a peut-être
jamais eu ?


dieu sait, au moins, que lui a besoin d'elle.
le sait-elle ?


alors oui
y a rien à dire
y a rien à dire à part,
pardon,
pardon, mais les mots restent bloqués, et elle attend qu'il se pousse pour partir, partir ! et en se rappelant l'urgence de la tempête, la parole lui revient.

— mais enfin, tu ne vas pas sortir maintenant ! retirant son ciré, des gouttes s'écrasent sur les dalles de la cuisine, qu'ils ont repeintes il y a à peine une semaine. j'ai acheté tes champignons préférés, brandissant sa récolte comme si ça allait tout arranger, viens, approchant sa main de la sienne et se baissant pour ramasser les photos et refermer la boîte comme si les pandores ne s'étaient pas déjà toutes échappées. toutes ces choses n'ont plus d'importance et appartiennent au passé, alors, n'en parlons plus et-

@simon
tw; dureté des mots, coeurs brisés

ou est passé le héros de son enfance, de son adolescence jusqu'à maintenant? ou est passé cet homme qui l'a sauvé d'un immense chagrin quand le premier père est parti et que petite rose-mary dans ses chaussures trop grandes courrait sur le port en pleurant reviens papa s'il te plait reviens. serait-elle encore au port à l'attendre si simon ne l'avait pas sauvé? ou est passé ce héros à qui elle offrait des colliers de nouilles et des dessins aux couleurs qui dépassaient des traits?
- et moi suis-je importante pour toi ou est-ce que tu fais semblant depuis tout ce temps?
elle ne le laisse pas répondre rose-mary, elle enchaine et déjà, comme enfant, ses joues se gonflent et deviennent rouge, comme une fée clochette en colère tandis que les yeux menacent de verser quelques larmes.
- je t'ai vu hier soir sur la plage avec la femme des photos.

elle est belle cette femme mais son visage n'est rien pour rose-mary, mais semble être tout pour simon. elle est cette reine des histoires perdues dont elle imagine simon être un roi déchu. qu'elle est son propre rôle dans cette vie qu'elle ne lui connait pas? il en a eu des occasions de parler d'un amour perdu mais simon est toujours resté muet. comment peut-il effacer un amour qui semble si fort? rose-mary se pense la suivante, et d'un revers de la main simon viendra l'oublier comme s'il quittait l'île sans elle. comme s'il était devenu le premier père.
- ce n'est pas un péché de mentir? pourquoi est-ce que tu me mens maintenant? pourquoi est-ce que tu me caches des choses comme ça?
pleins de questions, la voilà la tempête. ça lui brule la langue à rose-mary et la pluie coule sur les joues. elle est la colère et la tristesse en même temps, elle se sent trahie et abandonnée par simon qui fait semblant, qui fait semblait d'être un parent depuis bien trop longtemps.
elle est grande maintenant, ce n'est plus une enfant -plus vraiment, alors elle était prête à l'écouter, elle était prête à comprendre et à vouloir le connaitre vraiment, toute sa vie, ses milliers d'histoires avant elle, avant eux. mais simon a toujours promis qu'avant c'était rien, qu'avant il n'y avait rien et que le soleil brillait depuis qu'ils se tenaient la main. elle a toujours trouvé ça triste rose-mary, elle a toujours secrètement espérée que simon trouve l'amour. petite elle imaginait des plans pour que sa maitresse et lui se percutent lors des réunions parents professeurs -et en même temps elle espérait que rien ne change, que simon ne reste qu'à elle, son père éternel.
il lui a apprit des valeurs, celles des humains et celles de l'église. ne pas mentir, non rose-mary, ce n'est pas bien de mentir. alors pourquoi les fondements de leur relation lui semblent être désormais qu'un honteux mensonge?