Sur la mer les mots font des vagues (Birdy)

Et je serai face à la mer
qui viendra baigner les galets.
Caresses d’eau, de vent et d’air ;
Et de lumière. D’immensité.

Enfant des vagues iodées et du sable blond que l’on retrouve jusqu’entre les mèches d’or de ta chevelure, t’as grandi près de l’eau sur les bords de plage, que tu considères comme une partie inhérente de ton être. Là, au fond, mêlé au carmin chaud de l’hémoglobine qui pulse dans tes veines, réside sûrement aussi un peu de liquide salin, toi qui, chaque fois que l’air te manque, viens le retrouver près de l’océan.
La vie sur l’île n’est finalement pas si différente de celle de la petite ville californienne qui t’a vu naître ; ici, les pieds enfouis entre le clapotis et le limon humide, tu puises dans des racines invisibles la force que la mer t’insuffle. Et tu erres, Venessa, tu erres et ton esprit court mille galops à la fois, quand tes yeux brumeux se perdent par-delà la limite floue du ciel qui embrasse les flots. Ton vague à l’âme, tu aimes le confondre dans celles qui lèchent les abords de cette mystérieuse terre que tu appelles « refuge » depuis plusieurs semaines déjà, îlot de songes qu’en dehors desquels tu n’aurais jamais imaginé pouvoir espérer. Et puisque l’on dit que les habitudes sont des choses qui tiennent lieu de vérités pour les plus solitaires, tes pas chaque jour s’entêtent à venir trouver un peu de quiétude entre les dunes alanguies, paillettes de silicium offertes aux mirettes embrumées avant que celles-ci ne glissent sur la surface de l’onde où scintillent les reflets du soleil.
Parfois simplement assise, les bras croisés sur tes genoux et le menton posé dessus, tu aimerais que le ressac te submerge et te lave de toutes ces aspérités qui t’écorchent comme des coraux. D’autres fois, la seule caresse du soleil sur ton derme halé suffit à faire revenir le sourire à tes lèvres. La plupart du temps pourtant, ce sont les coquillages que tu viens chasser. Coques, ormeaux, chapeaux chinois, tellines, berniques, amandes, lavagnons, aucun n’emporte ta préférence tant tu aimes observer leurs nuances et leurs reflets. Leurs couleurs chatoyantes, irisées, parfois nacrées, parfois brutes, les stries qui les ravinent et te rappellent les cicatrices sur ton cœur. Certains jours, tu pourrais presque y passer des heures, fuir toute notion du temps. Le temps, sur l’île, a de toute façon ses propres règles, et tu es trop fatiguée pour les discuter. Au lieu de ça, tu recouvres inlassablement tes jambes nues des dizaines de petites coques glanées au cours de tes recherches appliquées, ce qui fait souvent sourire les badauds qui promènent, comme cette fille que tu croises sur la plage assez souvent. Dans la brise fraîche, les rubans de jais qui fouettent son visage n’arrivent pas tout à fait à dissimuler les regards curieux et non moins bienveillants qu’elle te lance, les sourires invitant que tu peines, âme farouche, à lui retourner. Elle n’a pas l’air de s’en vexer. Tellement pas l’air que ce jour-là quand tu la vois, ce n’est pas le long du rivage qu’elle marche, mais bien droit vers toi.  

( Pando )